Lundi 2 aout, Bellegarde
Bellegarde, et oui, c'est de chez moi que j'écris cet article, notre tour d'Europe est maintenant bouclé, accoudée à ma fenêtre les évènements des derniers jours se bousculent dans ma tête...
Je repense à ces dernières semaines de marche, ce ne furent pas les plus évidentes, nous savions que c'était la fin qui approchait, que l'étape de l'Aubrac ne serait pas comme les autres...Mais la traversée du Massif Central fut géniale! Après Ahun, nous descendions plein Sud : Aubusson où un cordonnier m'a réparé mes chaussures, un morceau de caoutchouc sous la pointe du pied, un pièce de cuir sur le dessus, ca a tenu les derniers 300 kms! Puis Felletin, Magnat l'Etrange, Thalamy... dans cette partie là nous rencontrions beaucoup de gens, des commerçants surtout, qui avaient des cartes IGN de randonnée et qui nous les photocopiaient gentiment, ce qui nous évitait les routes et nous raccourcissait les distances!
Je repense à cette arrivée à Bort les Orgues, ou après des courses, nous sommes monté à notre maison scoute. Sur le chemin nous avions demandé de l'eau et une joyeuse tablée nous avait spontanément invité à manger du cerf, un régal!! Que de rencontres nous a permis ce Tour d'Europe!
Mais déjà revient l'image de la montée jusqu'à la maison, celle qui nous fait tant suer pendant le cross de fin de camp, vite nous montions et étions chez nous! Que c'était agréable de voir ces lieux familiers, d'inspecter la maison, d'y admirer les nouveautés et de faire le tour des anciennes pierres, ces témoins immuables des camps passés sur ces terres. C'était étrange de parcourir ces champs sans enfants qui courent, sans tentes montées, sans notre flamme flottant fièrement au mat...mais elle flottait 150 km plus loin, au Sud, nous y pensions bien souvent.
Nous nous sommes reposé 48h dans notre maison et sommes reparties. Nous n'étions plus très loin, après Riom es Montagne nous nous étions déjà au Puy Mary, nous retrouvions enfin des montagnes, nous arrêtions de penser sans cesse à la fin pour profiter de l'ascension, des vues, de ce sentiment de plénitude que l'on ressent au sommet des montagnes...les Raiders l'ont si bien décrit " comment peux tu comprendre, si tu n'es pas Raider, qu'on ait le coeur serré en haut de chaque sommet"... Et quand nous les entendions chanter cette ritournelle, très souvent sur le camp, notre coeur aussi se serrait au souvenir de ces nombreux sommets, de ces heures de marche, de ces milliers de kilomètres tendues vers notre but...
Le pire était peut-être que nous avions ralenti le rythme, nous avions prévu d'arriver un certain jour sur le camp et ne voulions pas être en avance, nous ne marchions que 15 kms par jour au lieu des 30 habituels, certes cela nous a reposé et nous lisions plus, mais que ce mercredi fatidique était long à arriver! Le Sud Cantal était beau, le temps beaucoup moins, nous demandions souvent une grange et rencontrions ainsi plus de gens, qu'ils sont accueillants! Ces derniers moments furent riches en rencontres!
Je revois aussi la tête de Fanny lorsque Clémence lui a fait la surprise de venir la voir à Laguiole, pour les trois derniers jours! Elle était bien contente! Nous parcourions ainsi les derniers kilomètres, soudain, au détour de la route, nous vûmes notre flamme rouge frappée du casque de Sparte flotter sur le plateau, ca y est, c'était la fin! Mais il nous fallait arriver dignement et respecter la tradition : attaquer le camp. Vous riez car nous n'étions que deux? Mais avec un peu de stratégie, tout est possible!
Mardi soir, nous laissions donc Clémence sur le lieu de bivouac, tout le camp était à la veillée, nous montions à travers la forêt sur le plateau supérieur : 1400 m d'altitude, la vue était superbe, vite, trouver les camps, tomber toutes les tentes, signaler notre passage par nos autocollants, ne pas croiser de raiders qui attaquent le lendemain et doivent être dans le coin. Puis prendre un azimut, droit sur la veillée, facile, on voit la fumée de loin! Ramper dans le PC des maitrises, accrocher deux culottes dédicacées achetées spécialement pour l'occasion (on nous a tellement charrié sur nos 2 culottes techniques! ) Repartir ni vu, ni connu et entendre, d'en haut, le coeur serré les Oies Sauvages et notre cri résonner sur les terres de l'Aubrac.
J'ai des flash de la journée du lendemain : descendre la flamme du mat et y monter notre étendard, accrocher une carte de notre parcours chez les Petits-Loups, faire un tas des sacs des Raiders arrivés le matin et y planter une rose des vents..."Ne perdez pas le Nord", notre attente dans un bosquet. J'entends encore la corne du rassemblement, nos pétards éclater et nos voix, émues, chanter pendant que nous nous avancions vers les divisions rassemblées. Nous rejoignons les rangs, Romain nous accueille, le rassemblement continue. C'est fni. Nous nous mettons en uniforme, quittons ces habits dans lesquels nous avons passé plus de 10 mois, déposons le sac pour s'intégrer à la vie de camp.
Ces trois jours furent courts et intenses et samedi arriva, nous retrouvions nos parents et déjeunions ensemble. Puis la fête de fin de camp, nous chantions, dansions, discutions, essayant de ne pas penser au lendemain.
Hier, il a fallu dire au revoir à Fanny, ca faisait 10 mois que nous ne nous étions quitté...et quand la voiture s'est éloigné du camp pour rejoindre Bellegarde j'ai réalisé pour la première fois que c'était fini, la deuxième fois fut quand je suis rentré dans ma maison, et ce ne fut pas facile.
Ce matin, je n'ai pas eu besoin de plier mon duvet et de ranger mon sac à dos, de sortir le réchaud pour faire chauffer l'eau du petit déjeuner, je n'ai pas porté ma nourriture sur mon dos pour déjeuner ce midi, j'avais une robe aujourd'hui et j'ai passé du temps avec ma famille, je ne sais pas quoi ressentir. Tristesse? Oui. Peur? Surtout d'être incomprise. Nostagie? Déjà. Mais des nouveaux projets sont en germe, je pense à notre collocation à Paris l'année prochaine, à ces prochains mois où nous écrirons notre livre toutes les deux, à la suite, au futur qui ne peut être que riche avec le terreau de ce Tour d'Europe qui le nourrit et le nourrira toujours.